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La vieillesse

Un poème, pour nos grands-parents, ces "têtes blanches" comme les décrit Agénor Altaroche, qui nous portent et nous apprennent. Qu'ils portent leur croix d'honneur et qu'ils soient décorés autant qu'il faut. Ils sont ceux qui, par la sagesse accumulée, ne jugeront ni ne se détourneront de vos erreurs. Encore aujourd'hui, vous entendez leur nom et leurs dictons. Faites leur un bel hommage...





Autrefois on vouait un saint culte au grand âge.

Quand sur le sol tremblaient les autels chancelants,

Un seul restait debout au milieu de l'orage,

L'autel des cheveux blancs.


La vieillesse toujours, et dans Rome et dans Sparte,

Fut l'arbitre des lois et du gouvernement.

Le respect des vieillards de toute ancienne charte

Etait le fondement.


Les jeunes gens couraient près d'une tête blanche,

Qu'il était beau ce nœud qui, toujours enlacé,

Liait le front adulte au front que le temps penche,

Le présent au passé !


Hélas ! elle n'est plus, cette ère de foi sainte !

La vieillesse a perdu son antique pavois.

Elle a suivi les Dieux : sa latrie est éteinte

Dans les mœurs, dans les lois.


En notre âge pervers, pour la jeune moustache

On a plus de respect que pour les blancs cheveux.

Le vieillard-aujourd'hui n'est plus qu'une ganache,

Un radoteur, un vieux.


Mais ce n'est point assez qu'on lance l’anathème,

De nos jours, au vieillard autrefois vénéré.

Le siècle peut montrer un vieillard... ô blasphème !

Fraîchement décoré !!!


Décoré ! c'est passer les bornes de l'insulte.

Décorer un vieillard ! Un homme infirme encore !

C'est digne d'un pouvoir qui garde pour tout culte

Le culte du Veau d'or.


N'as-tu donc tant vécu que pour cette avanie ?

La croix, ô Montlosier, la croix ! affreux malheur !

C'est un lourd cauchemar qui, dans ton insomnie,

Pèsera sur ton cœur !


A quoi donc t'ont servi les nombreuses pituites

Et l'honneur amassés depuis quatre-vingts ans ?

Et tes anciens combats contre les noirs jésuites,

Et tes patois récents ?


Quand des petits journaux la lanière te blesse,

Le pouvoir, te laissant dans un triste abandon,

Tare grotesquement ta robe de vieillesse

De son rouge cordon.


C’est montrer peu d'égards pour ta noble perruque.

Le régime qu'on voit, de ton âge envieux,

Traiter si lestement ta poitrine caduque,

Ne sera jamais vieux.


Toi qui portes si bien le poids de ton grand âge,

Puisse-tu, retrouvant ta primitive ardeur,

Avec la même force et le même courage

Porter ta croix d'honneur !


- Agénor Altaroche, Nouvelles chansons politiques, 1838




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