La fierté nous pousse et nous soutient, mais combien de fois nous a-t-elle aveuglés ? Le bienheureux humble ne voit en la fierté que l'image d'un luxe ostentatoire, pour lequel il n'a d'envie que dans un environnement propice. Mettez les orgueilleux au milieu des humbles, et nous serons portés par l'assurance d'un faux chef ou attendris par le jeune louveteau. Inversez le processus, et vous ouvrirez le poulailler aux renards affamés. La fierté n'est un défaut que lorsqu'elle anime son détenteur d'un sentiment de chasseur. Celui qui épie et agresse le malheureux dépourvu de ce trait.
La fierté est aussi notre seule gardienne de séjour, notre gouvernante. Celle qui dicte nos pas, et contredit nos paroles. Celle qui répond à nos questions et qui se montre parfois trop franche pour nous rassurer convenablement. La fierté, c'est accepter d'être blessé et de voir sa propre personne, raillée par elle-même. La fierté seule vous jugera, les autres n'en ont que faire de vos méfaits. Un bavardage tout au plus ne saurait éliminer la prestance d'un Homme.
Si les commérages entrent dans les meurtrières de notre belle forteresse, le château s'écroule et endommage. Si vous êtes fiers, votre muraille est bien bâtie, vos meurtrières bien gardées et vos fondations solides. Oubliez l'un, et l'autre ne vous sera d'aucun usage...

La vie est implacable et lâche
Et n’est clémente qu’aux méchants ;
Car elle meurtrit sans relâche
Les coeurs vers le devoir penchants
C’est la marâtre qui torture ;
C’est la courtisane qui ment,
Et tout, dans la grande nature,
N’est qu’ironie et que tourment.
Gloire à ceux qui, bravant le doute,
Et, d’eux-mêmes bornant leurs pas,
Ont ouvert à leur propre route
Les portes d’ombre du trépas.
Puisque l’effroi nous prend de suivre
Ces grands morts, d’eux-mêmes vainqueurs,
Et que l’amertume de vivre
Tente invinciblement nos coeurs,
Ah ! du moins, sans plainte à la bouche
Et sans importuner les cieux,
Suivons, vêtus d’orgueil farouche,
Notre chemin silencieux.
Et, sans plier sous le mystère
Que les siècles ont obscurci,
Sachons descendre sous la terre
Sans avoir demandé merci !
- Armand Silvestre, Le pays des roses, 1882
Je m'attendais à un post sur la fierté et l'orgueil, l'entête est trop courte :'( Mais le poème est chouette, je pense que ça peut faire un sujet sympa non ?