Les ombres nous fascinent. J’ai déjà posté deux poèmes d’Apollinaire et de Prudhomme, et j’ai tout de suite pensé aux ombres chinoises. Comme un cinéma inversé, les histoires se dessinent grâce à l’ombre, donnant aux plus benêts des personnages, une allure menaçante.
Aujourd’hui, le théâtre d’ombre figure dans la liste des patrimoines culturels menacés et intègre la liste de sauvegarde urgente de l’UNESCO. Provenant de la République arabe syrienne, il mettait en scène des personnages sur des fonds musicaux, souvent sur des thématiques sociales et des critiques satiriques. Requérant peu de moyens, les représentations étaient souvent tenues dans des cafés ou des bars populaires. Selon l’UNESCO, la technologie et les guerres auront presque eu raison de cet art, qui a aujourd’hui presque disparu.
Les théâtres d'ombre auraient tout d’abord été utilisés à des fins d’exorcisme et religieuses en Asie. Censées distraire les divinités et servies en offrande en étant brulées, les marionnettes traitaient de sujets profanes et complètement déconnectés de l’ésotérisme. Le « maître » - celui qui manipule les marionnettes - était doté de compétences en magie et en exorcisme. Pour ces derniers, il faisait appel à une marionnette spéciale - Zhong Kui- permettant de purifier les lieux sous l’emprise des fantômes. Elles intervenaient suite à des catastrophes, souvent attribuées à la présence d’âmes errantes sur les lieux, comme les incendies, les maladies, les inondations et autres aléas. Les représentations avaient dès lors un lien éloigné avec la catastrophe bien qu’elles n’y faisaient jamais clairement référence.
Même si cette petite histoire me plaît, force est de constater que sa provenance exacte est encore discutée.
Le théâtre d'ombre balinais est particulièrement intéressant puisqu'il met en scène des marionnettes de cuir et d'os contre les traditionnelles marionnettes de papier et de bois.
À l'origine de la création de ce théâtre balinais, un mythe :
Le dieu Siwa et sa femme Uma furent maudits et envoyés sur terre sous la forme de démons. Uma est devenue Durga et a donné naissance à de nombreux enfants démons de Siwa, tous difformes. Les dieux Brahma, Wisnu et Ishwara ont été affligés de voir cela. Afin d'apaiser les démons et de restaurer Siwa et Uma à leurs formes antérieures, ils ont décidé de faire des marionnettes et de jouer un jeu d'ombres sur terre. Ishwara est devenu le marionnettiste, Brahma la lampe et Wisnu les instruments de musique. Au début, ils n'ont eu aucun succès, mais finalement Siwa et Uma ont tenu compte du message transmis par les spectacles et ont retrouvé leur beauté d'antan.
Le rôle sacré incarné par ces représentations prend tout son sens, puisque les marionnettes jouent un rôle d'intermédiaire entre les Hommes et les Dieux. Un rôle d'autant plus accentué par le Dalang (prêtre marionnettiste), devenant ainsi l'incarnation du dieu Ishwara - "seigneur suprême" et seigneur de la Manifestation - lors d'une représentation et connait tous les textes à la perfection.
En Europe, cet art a gagné en popularité avec « Le poilu , décliné en 2 pièces. La première a été composée sur le front par le caporal Parisot, et les ombres attribuées au caporal de Percy.
Si ces pièces présentent des personnages aux attraits rudimentaires, les théâtres d’ombre asiatiques ont souvent mis en scène des personnages aux apparences complexes, jouant de la lumière et exploitant toute sa beauté.
Entre satire et religion, les ombres chinoises sont un patrimoine précieux, que nous assomons à coup de YouTube, téléphones et livres audio. Il faut vivre avec son temps, mais ceci est une petite alerte pour vous inciter à vous rendre dans les quelques théâtres restants ! Ça vaut le détour
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