Jeudi 17 juin 1939, Eugène Weidman sera le dernier condamné à perdre la tête en public. Il faudra bien sûr attendre Badinter pour la fin de la peine de mort en France, mais ce succès est le résultat de longues plaidoiries et de quelques poèmes engagés.
Vains efforts ! périlleuse audace ! Me disent des amis au geste menaçant, Le lion même fait-il grâce Quand sa langue a léché du sang ? Taisez-vous ! ou chantez comme rugit la foule ? Attendez pour passer que le torrent s'écoule De sang et de lie écumant ! On peut braver Néron, cette hyène de Rome ! Les brutes ont un coeur ! le tyran est un homme : Mais le peuple est un élément ;
Élément qu'aucun frein ne dompte, Et qui roule semblable à la fatalité ; Pendant que sa colère monte, Jeter un cri d'humanité, C'est au sourd Océan qui blanchit son rivage Jeter dans la tempête un roseau de la plage, La feuille sèche à l'ouragan ! C'est aiguiser le fer pour soutirer la foudre, Ou poser pour l'éteindre un bras réduit en poudre Sur la bouche en feu du volcan !
Souviens-toi du jeune poète, Chénier ! dont sous tes pas le sang est encore chaud, Dont l'histoire en pleurant répète Le salut triste à l'échafaud. Il rêvait, comme toi, sur une terre libre Du pouvoir et des lois le sublime équilibre ; Dans ses bourreaux il avait foi ! Qu'importe ? il faut mourir, et mourir sans mémoire : Eh bien ! mourons, dit-il. Vous tuez de la gloire : J'en avais pour vous et pour moi !
- Alphonse de Lamartine, 1830
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