«... Et c’est comme ça que je me suis retrouvée ici ! Tu m’écoutes ? Oh oh ! Non, ne me dis pas que toi aussi tu joues à ça ! » Paris, début des années 1960. Tandis que les parasites terriens supérieurs se préoccupent de leurs occupations (si ridicules avec un peu de recul), l’une des plus grandes histoires irréelles était en train de naître sous leurs pieds, au dessus de leur tête, dans leur corps, à côté d’eux... bref tout autour d’eux. Mais quelle est-elle diront les plus curieux ? Eh bien patientez un tout petit peu que je vous mette dans le contexte. Je ne vais rien vous apprendre si je vous dis que chaque période de l’Histoire a son fléau (plus ou moins connu de la population), son mystère... Les années 1960 à Paris étaient l’un des plus grands de ces mystères. Des milliers de gens disparaissent sans laisser de traces. Ils partaient tout simplement. Radicalement. De partout. Les loyers, les photos, les registres, les cadeaux d’anniversaire... tout ce qui rappelait ces personnes disparaissait. Jusqu’à entrer profondément en vous et vous voler cette chose pourtant inviolable qui est votre mémoire. Oui. Ces personnes étaient rayées de l’Histoire. Des non-entités. Parallèlement, un scientifique contemporain de cette époque, avait émis l’hypothèse d’un talon d’Achille universel. Une sensibilité qui affecterait le temps, l’espace ainsi que les idées et la connaissance. On pourrait se demander comment il a pu penser ça ? Eh bien sachez que les plus grands philosophes et scientifiques sont parfois ceux qui ont gardé leur âme d’enfant, avec leurs questions insolubles et presque rhétoriques tant personne n’attend à leur donner de réponse. C’est ainsi que le précoce scientifique dont je vous ai parlé (ayant appris à écrire presque en même temps qu’il a commencé à parler), notait toutes ces questions. « Par prévoyance » qu’il disait. Il s’était alors intéressé, trente ans plus tard, à l’une d’elle. Il avait écrit très distinctement « pourqoi on à qi on à sur la tère ? » Vous vous dites maintenant que c’est une question banale et sans intérêt mais elle a tout son sens. Pourquoi nous et pourquoi ici ? Il avait alors pensé qu’il existerait un lien entre le temps et la matière, un équilibre parfait qui faisait que la matière était lorsque le présent était stable. Une interférence dans la « machine » pouvait causer un trouble tel que la matière se remplaçait par un souvenir répété, une personnalité qui s’enregistre dans les « données » de l’Univers. Ainsi, les « disparus » auraient, par un moyen que l’on tente encore d’élucider, causé un déséquilibre sur la balance « matérialo-temporaire ». Leur personnalité, défauts, goûts se répétaient indéfiniment dans ce « vide » qu’ils ne comprenaient même pas. Ils évoluaient tout de même grâce à un algorithme complexe, celui de l’âme. Vous pensez sérieusement que l’Homme aurait pû inventer quelque chose d’aussi mystérieux que la logique ou les mathématiques ? On vit avec eux constamment, nous apprenons juste leur langue sans pourtant réussir à devenir totalement bilingues. Tout est mathématique, mais tout est mystérieux. Si l’Homme ne parvient pas à expliquer certains phénomènes, ce n’est pas qu’ils sont logiques ou trop mystérieux ou encore inexplicables ! C’est juste un parfait équilibre de tous les domaines que nous étudions et pensons maîtriser. Quelques lettres apprises dans le dictionnaire infini de l’Univers. Les disparus sont donc existants mais dématérialisés. Ils voient par un processus de temps et de lumière et sont donc informés du monde qui les entoure. Ils se voient matériels car leur image est restée coincée dans le temps. Il est donc impossible de différencier le vrai du faux, l’humain de l’idée, le néant du temps. Parfois ils peuvent attendre toute leur vie avant de trouver quelqu’un de similaire et partageant leur sort. Les plus désespérés soupçonnent un complot universel et tentent mettre fin à leurs jours en vain, ne voulant pas admettre la possibilité d’une facette cachée de ce monde qu’ils pensaient être si familier. Selon les conjectures de ce scientifique, les « disparus » seraient ceux qui n’ont jamais cessé de se souvenir et de se projeter sans jamais penser à vivre. Ils auraient déséquilibré la balance en ignorant le présent et en accordant une place trop grande aux extrémités insaisissables du temps. Mais comment être sûr de la légitimité du présent ? Ne serait-ce pas plutôt le début de l’apprentissage d’une nouvelle lettre de ce « dictionnaire » si fictif mais si réel ?
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