Pour clôturer cette journée dédiée à l'âme slave, deux extraits d'Eugène Onéguine de Pouchkine. Une oeuvre faisant tragiquement écho à la fin du poète, des occasions manquées et un amour inaccessible. La douleur humaine est à son paroxysme, dans chaque oeuvre de Pouchkine.
Un ouvrage magistral, que je vous invite à découvrir, si ce n'est pas déjà fait.
"Les générations se succèdent ;
Ainsi notre tribu frivole
Grandit, s'agite, se démène
Et pousse au tombeau les aïeux.
Notre temps viendra à son tour.
Nos descendants auront leur heure
Et nous chasseront de ce monde.
Enivrez-vous, en attendant,
Amis, de cette vie légère.
Je sais qu’elle a peu de valeur
Et je n’y tiens pas outre mesure.
J’ai dit adieu aux illusions ;
Mais de lointaines espérances
Viennent parfois troubler mon cœur."
"L’ivresse du monde est mortelle, Et nous sommes pris vous et moi, Chers amis, dans son tourbillon."
"Pauvre Lenski ! Sous son tombeau,
Au plus profond de l'autre monde,
Le poète s'est-il ému
En apprenant la trahison ?
Ou bien sommeillant, insensible,
Sur les rivages du Léthé,
A-t-il oublié l'inquiétude ?
Le monde est-il trop loin de lui ?
Oui ! l'oubli et l'indifférence
Nous attendent dans l'au-delà.
Voix des amis, des ennemis,
Des amantes, tout se taira.
Sauf la clameur des ayants droit
Réclamant leur part d'héritage"
"L'amour est le jeu de Satan.
Trouver quelqu'un qu'on puisse aimer,
Quelqu'un qui ne trahira pas ;
Quelqu'un qui apprécie les choses
Et les mots selon notre goût ;
Qui ne dit aucun mal de nous ;
Qui prend soin de notre confort ;
Qui nous pardonne nos défauts
Et qui jamais ne nous ennuie.
Vous cherchez en vain ce fantôme ;
Cessez de perdre vos efforts."
"J'avais comme lui rejeté
Le poids des vanités mondaines ;
Et nous liâmes amitié.
J'aimais en lui son fier visage,
Son inclination à rêver,
Son étonnante étrangeté
Et la rigueur de son esprit.
J'étais aigri ; il était sombre.
Nous connaissions tout des passions.
La vie nous avait épuisés.
Nos cœurs avaient perdu leur feu."
"Cette âme avide de souffrir
N'a pas cessé de succomber
A ce mal insensé: l'amour.
Une passion inconsolable
Consume la pauvre Tania.
Le sommeil la fuit. La santé,
Fleur et douceur de l'existence,
Le sourire, le calme pur,
Tout a passé comme un vain bruit.
Et sa jeunesse s'obscurcit,
Comme on voit de sombres tempêtes
Dés l'aurore étouffer le jour."
"Les deux ennemis attendaient.
Ennemis ? Mais qui les oppose ?
Depuis quand ont-ils soif de sang ?
Ils avaient en commun naguère
Divertissements, table, affaires,
Pensées. Maintenant on dirait
Des ennemis héréditaires.
C'est comme un affreux cauchemar.
Chacun d'eux, sans le dire, pense
De sang-froid à la mort de l'autre.
S'ils pouvaient éclater de rire
Et se séparer bons amis
Avant que leurs mains ne soient rouges..."
"Mais il est triste de se dire
Qu'on a gaspillé sa jeunesse,
Qu'on l'a trahie à chaque instant
Et qu'elle nous l'a bien rendu,
Que les meilleurs de nos désirs,
Que les plus pures rêveries
Sont allés à la pourriture
Comme les feuilles de l'automne."
😍 J'adore, merci pour le partage